21 Jan Facture de complaisance
Publié à 18:00 dans publications par Agnès Angotti
Perte du droit à déduction de la TVA si le contribuable savait ou ne pouvait ignorer la nature de cette facture.
Lorsque l’auteur de la facture est régulièrement inscrit au RCS et qu’il se présente comme un assujetti à la TVA, il appartient à l’Administration qui entend refuser la déductibilité de cette taxe d’établir qu’il s’agissait d’une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l’ignorer. Si l’Administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d’apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu’il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
CE, 3e et 8e ch., 11 oct. 2017, n° 392121, Sté Régie nationale de publicité et d’organisation (RNPO), concl. E. Cortot-Boucher, note A. Angotti : JurisData n° 2017-019662
Publié aux tables du recueil Lebon
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Régie nationale de publicité et d’organisation (RNPO) a pour activité la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs, dont elle confie la prospection et le démarchage à des agents commerciaux indépendants assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à l’issue de laquelle l’administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification portant notamment sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société RNPO se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 26 mai 2015 qui a rejeté son appel contre le jugement du 7 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2007 et 2008 du fait du refus par l’Administration de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures établies par les agents commerciaux LVNH Conseil, M. A et AX’CD.
2. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du Code général des impôts, un contribuable n’est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n’est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l’auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l’Administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d’établir qu’il s’agit d’une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l’ignorer. Si l’Administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d’apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu’il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
3. Par suite, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que la société RNPO n’était pas en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures en litige au motif qu’il s’agissait de factures de complaisance, sans avoir recherché si l’administration fiscale
apportait des éléments suffisants permettant de penser que la société RNPO savait, ou ne pouvait ignorer, la nature de ces factures.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que l’arrêt attaqué doit être annulé.
(…)
Art. 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
CONCLUSIONS
1 – La société anonyme Régie Nationale de Publicité et d’Organisation (RNPO) exerce une activité de prospection et de démarchage de professionnels aux fins d’insertion de messages et d’encarts publicitaires auprès d’annonceurs. Pour trouver des annonceurs, elle fait appel à des agents commerciaux.
Lorsque l’annonceur a manifesté son intérêt, l’agent commercial lui présente un ordre d’insertion qui décrit le support publicitaire choisi, la surface retenue et le message publicitaire à insérer. La com- mission due à l’agent commercial est réglée par la société RNPO une fois le paiement de l’annonceur intervenu, sur la base d’une facture émise par l’agent mentionnant le prix de la prestation d’entremise et la TVA correspondante.La TVA ainsi facturée est ensuite déduite par la société RNPO de la TVA dont elle est par ailleurs redevable à raison de ses propres opérations.
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fis- cale a remis en cause la déduction, par la société RNPO, de la TVA mentionnée sur les factures émises par trois de ses agents commerciaux : la société LVNH Conseil, la société AX’CD et M. Nizard. Elle a constaté, en effet, que les ordres d’insertion qui avaient donné lieu à facturation avaient été signés, non pas par les sociétés émettrices des factures, mais par des tiers qui n’avaient ni la qualité de salarié des sociétés en cause, ni celle de sous-traitant. L’Administration en a déduit que les factures litigieuses avaient le caractère de factures de complaisance, et que la TVA y figurant ne pouvait ouvrir droit à déduction.
Des rappels de TVA ont été assignés en conséquence à la société RNPO, au titre de la période courant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. Ils ont été contestés, sans succès, devant le tribunal administratif de Paris, puis la cour administrative d’appel de Paris. La société RNPO se pourvoit désormais en cassation.
2 – L’un des moyens qu’elle soulève nous paraît fondé. Il est tiré de ce que la cour a commis une erreur de droit en jugeant qu’elle n’était pas en droit de déduire la TVA mentionnée sur les factures litigieuses au motif qu’il s’agissait de factures de complaisance, alors qu’elle n’avait pas recherché si l’Administration apportait des éléments suffisants de nature à établir qu’elle savait ou qu’elle aurait dû savoir que les assujettis qui avaient émis ces factures n’avaient pas réellement effectué les prestations d’entremise correspondantes.
(…)
· Facture de complaisance : perte du droit à déduction de la TVA si le contribuable savait ou ne pouvait ignorer la nature de cette facture
Lexis-Nexis – Dr. Fisc. 21 dec. 2017, n° 51-52, comm. 592